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Board: [805] Le coin des artistes
Topic: [299928] Vie et Gloire des seigneurs du grand royaume

[-299928] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 15, 2016, 10:51 a.m.

Chapitre 1 : Ce qu'il faut pour la gloire

Les héros, comme les étoiles, brillent au firmament des cieux.
Parfois, les uns comme les autres traversent fugacement le ciel pour disparaître à jamais.


Ce matin là, notre Roi, Elorian l'Intrépide, ne s'était pas montré plus tôt que d'habitude. Aux premières lueurs de l'aube, alors qu'enfin se lèvent les brumes abyssales qui tapissent la plaine en contre bas de la place forte, il avait fait, comme à l'accoutumé, le tour des postes de gardes et des avants-postes. Serrant les mains, prenant des nouvelles des uns et des autres, de leurs familles, il avait pris grand soin de faire distribuer à chacun cette boisson chaude et noire qu'il nous faisait venir du grand Sud. Il avait également fait doubler les rations de pain. Depuis une semaine, chacun des éclaireurs qui revenait au château ne ramenait que des nouvelles de victoires, de prises immenses, de richesses débordantes.

Nous avions, en l'espace de la seule journée d'hier, maté les rébellions des quatre provinces, nos pertes n'avaient jamais été aussi insignifiantes, des troupes nombreuses se ralliaient à notre cause et ce matin encore, les chevaliers errants avaient pu trouver auprès de nous le secours qu'ils attendaient pour retrouver leur relique sacrée.

Pourtant le Roi souriait peu, ses yeux trahissait une gravité de l'instant que nous lui connaissions peu. L'afflux des richesses en provenance des différentes provinces avait soulevé une intense activité de commerce, de partage. Partout les villageois construisaient, stockaient, provisionnaient... L'hiver pourrait être rude, nous n'en avions cure. Mais le Roi, lui, affichait un air souriant qui ne masquait pas une décision difficile à prendre.

Il avait réuni le conseil des baillis toute la nuit. Nous savions tous que la question portait sur l'invasion étrangère. Les châteaux de bois laissaient, autour de la place forte, monter les fumées de leurs ripailles. Ils saccageaient tout malgré le harcèlement constant que nous leur faisions subir. Des éclaireurs venaient d’annoncer également avoir aperçu sur les côtes les bateaux des maudits nomades et nous ne tarderions pas à les voir établir leurs tentes sous nos fenêtres.

Nous les aimions bien, nous sortions leur taper le cheich, ils nous couvraient d'or, de cadeaux. Même la perspective de perdre encore quelques fidèles amis dans l'aventure ne nous chagrinait pas plus que ça. Il n'y avait certes aucune gloire à tirer de ces escarmouches mais le tribu rapporté viendrait assurer les finissions du gigantesque colosse auquel l'ensemble de la population contribuait généreusement.

Au petit matin, juste après la tournée du Roi, un éclaireur était rentré précipitamment dans la cour centrale :

Il fit l'annonce en début d'après midi :

Les hourras de la foule couvraient sa voix, villageois et militaires sentaient tous que ce combat n'aurait pour seul but que la gloire et que celle-ci rejaillirait sur tout le royaume et viendrait éclairer pour des lustres les pages de notre histoire... Il reprit :

                                                                                                                                                                                                      (à suivre...)


[4295945] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 16, 2016, 8:11 a.m.


Ce choix tombait sous le sens, Certes Tyron eût pu avoir la place tant sa gloire était grande à chacune de ses sorties, mais il était archer de métier et nous avions besoin de quelqu'un de polyvalent. Craon dit l'Éclair ne dit pas un mot, il se savait rapide mais c'était une qualité qui serait réservée à une autre sortie, tout comme Bazir, le Lutteur, Rohan le Discret ou encore Voldor la Chance dont les aptitudes n'étaient plus à démontrer dans l'art de trouver des équipements de hautes qualités chez nos voisins fieffés. Les autres prétendants s'inclinèrent, Golgoth le Rapide préférait les courses brèves, Khân, le Maçon, s'occupait des forteresses du culte et Berzerk, le Fort, lui, se savait plus prompt à la rudesse qu'à la gloire. Seul Hô, le Samouraï, le petit dernier, émit une brève réserve avant que Berzerk ne lui colle un pain sur la figure, démontrant à la fois que l'un n'était pas encore à la hauteur et que l'autre se fichait pas mal de la gloire... Ce serait Dorgo, la Belle, la Redoutable, la Fraîcheur... tout lui allait. Tout lui réussissait depuis ses victoires sur les nomades qui lui avait rapporté un équipement merveilleux.

Le Roi continua :

Tout était dit... Nous nous préparâmes... Jamais nous ne vîmes armée plus hétéroclite. Des représentants des quatre royaumes s'avançaient vers Dorgo pour se porter volontaires. Dorgo était magnifique, revêtue de sa plus belle armures, elle laissait sa longue chevelure enivrer les hommes, le casque d'une main et de l'autre une bannière resplendissante. Des Vétérans, des Horreurs, des Errants, ceux du désert et du culte étaient là également et même les barbus des neiges, tous se pressaient vers celle qui les mènerait une dernière fois à la gloire.

Tout s'annonçait comme la plus redoutable des armées atypiques. Ce ne serait pas nécessairement sa puissance qui serait au rendez-vous, non, mais à n'en pas douter... Il y avait de quoi émouvoir même le plus aguerri des rois !

Alors la bannière apparu, le Roi en tête, escorté par Dorgo, la troupe bigarrée s'ébranla, se mis en route... Ils chantaient. Ceux qui restaient au château montèrent sur les murailles pour les acclamer. Personne ne se souvenait d'un tel engouement, d'une telle ferveur, ni, du reste, d'un tel sacrifice parfaitement inutile. Le cortège ne manquait pas d'allure, toutes bannières aux vents, de prompts cadeaux des Tontons donnaient un charme supplémentaire à la troupe avec ces bannières venues d'un peu partout du royaume. Personne sur les remparts ne s'étonna de ne pas voir un seul de ces courageux se retourner une dernière fois... Personne parmi les preux n'en n'eût d'ailleurs l'idée, ils étaient déjà au combat.

C'était la plus grande armée que le Roi eût mis sur pied. Elle ne tarda pas à rejoindre sa cible. Même si tous l'avais compris, ils ne s'étaient pas attendus à un tel spectacle... Le château avait triste mine, le bois y était pourri de partout, les douves étaient sinistres, envahies d''une boue nauséabonde dans laquelle flottaient les reliefs de précédents assauts. Au delà de l'apparence, c'était le bruit qui se dégageait de ce monstrueux amoncèlement de bois qui impressionnait le plus. Quoi qu’immobile, l'ensemble semblait vivant tant y grouillaient d'hommes et de bêtes, tant l'agitation qui s'y trouvait produisait un sourd grondement duquel s'échappaient quelques cris, quelques clameurs glauques...

Étonnamment, ce spectacle eu pour effet d'amuser la troupe et le Roi eu ce mot historique :

Évaluant les forces en présence, Dorgo ne manquât de remarquer qu'on ne ferait pas l'économie de la première vague. Sur les remparts, étonnamment peu d'hommes, répartis sur le front et les deux flancs, des portes flammes et des archers composites feraient la joie de nos plus fins arbalétriers... Non, résolument, le problème ne se trouvait pas sur les murs. Les douves quoique boueuses étaient très larges... Et ils étaient plus de six milles à l'intérieur.

Leur discussion fût soudain interrompue parle silence. Plus un bruit n'émanait du château étranger. A ce moment parût sur les remparts une forme d'une taille un tantinet hors normes, méchamment hirsute et sale, rousse, ornée d'un casque qui tenait plus de l'élan au gros nez rouge de Noël que de l'équipement du vaillant guerrier. Un borborygme rauque émanât de la carcasse mobile à l'attention de l'Intrépide et de sa générale en chef... ça tenait au mieux en quatre syllabes.

(à suivre...)

[4296452] Lovenio (FR1) [None] :: Feb. 16, 2016, 12:21 p.m.
J'adore ! Continue comme ça !

[4298301] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 17, 2016, 4 p.m.


Contemplant la brute velue, il évalua rapidement qu'elle avait, si ce n'est l'aptitude à la gloire, l'ensemble des qualités qu'on peut rêver pour un guerrier. Manifestement habile au lancé comme à l'épée, les gemmes ornant sa cuirasse étaient de nature à galvaniser ses troupes au delà de la raison. Si les murs s'avéraient faciles à prendre et rien n'était moins sûr, il en serait tout autre de se dépêtrer de ce qui les attendaient à l'intérieur.

Il lui tira la langue et retourna sa monture vers ses troupes.

Pendant, que ça rigolait joyeusement sur les remparts, le Roi jeta un œil sur les préparatifs. Il ne pût s'empêcher de faire la comparaison entre l'énorme chef de type gorille des montagnes sur les remparts de la place forte adverse et sa générale. Quoi comparer en fait. Rien. Son amazone était fine, élancée, la longue chevelure noire qui lui drapait les épaules jetait les rayons du soleil en reflets bleu acier et faisait étinceler son armure. Son regard franc, fait de deux flèches d'un vert obscur était rehaussé d'un liseré doré autour de l'iris. Elle aurait corrompu le diable. Son armure n'enlevait rien de sa féminité et le Roi, qui la connaissait pourtant depuis longtemps, fut saisi d'un étonnement nouveau en remarquant l'harmonie de sa silhouette. Il se dit que la perfection n'était pas de ce monde, façon pour lui de se cacher la perte immense que serait sa disparition si glorieuse soit-elle.

Sous l'égide de la belle, les préparatifs ne prirent guère de temps, les rapports des éclaireurs ayant indiqués que la masse se trouvait dans l'enceinte et non sur les murs, le matériel emporté avait été réduit à la portion congrue, le plus compliqué étant d'organiser la mise en place des bannières. Pendant ce temps le Roi continuait saluer les troupes. Une nouvelle fois, certains se rendaient compte que quelque chose avait changé dans son regard. Disparu l’enthousiasme du premier rassemblement dans l’œil du souverain. Alors que la farandole des étendards avait presque fini de s'organiser, Elorian convoqua Dorgo sous la tente de commandement, avec elle, ses trois lieutenants.

Dorgo le fixa calmement de ces yeux verts. Elle le connaissait assez pour savoir que l'on allait tout revoir du début. Alors que ses lieutenants restaient bouche bée, elle prit le parti de présenter l'organisation de son offensive. Tout était clair, trois vagues d'assaut, un maximum d'engins sur la première pour faire tomber un maximum de monde. Les flans seraient totalement équipés pour franchir les douves, les murs et se protéger des archers. Au centre, deux vagues d'archer et deux vagues de soldats de mêlée porteraient les couleurs du royaume et joueraient des cors puissants qui ont le bon ton de faire dresser le poil des plus aguerris. Bref, comme elle l'avait clairement exprimée au Roi.

Dorgo ne décolérait pas. L'idée d'avoir organisé un tel rassemblement pour rien lui semblait tout à fait inimaginable. Plus encore, elle craignait la honte d'un retour sans combats. Les lieutenants ne savaient plus vraiment où et comment se placer dans l'opposition entre Elorian et Dorgo. Dorgo était la seule à pouvoir tenir tête au Roi, même Berzerk, le plus brutal des commandants ne s'y risquait pas.

(à suivre...)

[4300895] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 18, 2016, 5:06 p.m.

Depuis longtemps, Elorian avait prouvé sa valeur de chef. Il était reconnus par tous pour sa finesse d'analyse, son entrain positif même dans les moments les plus noirs. Personne ne s'avisait de remettre en doute ses ordres... Sauf Dorgo. Impulsive, délibérément active et offensive, elle ne s'arrêtait pas aux détails et sa fine lame tout autant que son arc d'électrum suffisaient à surmonter d'ordinaire ces petites choses stratégiques qu'elle négligeait. Dans l'absolu, rien ne l'apprivoisait. Pourtant, finissant par se calmer, elle demanda à Elorian ce qu'il proposait. Ce dernier leva la main pensif en regardant le plan de bataille posé sur la table.

Elorian nota ce sourire sans en paraître. C'est aussi pour ça qu'il l'appréciait. Aussi sauvage et volontaire qu'elle était, elle avait le sens du Jeu. Toute agressive qu'elle pouvait être à son endroit, il savait, à chaque fois, la ramener à leur complicité particulière. Et chaque fois cette complicité prenait une nouvelle couleur.

Comme il avait été dit, elle envoya l'un des lieutenant donner les ordres. Deux heures après, la fantastique armée se voyait renforcée de deux autres troupes tout aussi impressionnantes. Le recrutement avait été facile. Elorian présenta le plan d'attaque à ces trois commandants, plaça la direction des opérations sous la houlette de Dorgo, les préparatifs reprirent de plus belle.

L'attaque débuta à la mi nuit, Dorgo voulait offrir au Roi une nuit étincelante. Il ne fût pas déçu.

Tyron s'élança avec tout son armée. Il concentrait, dans ses rangs, des horreurs et des chevaliers errants. Des trois armées présentes, elle n'était pas la plus puissante mais avait de quoi ébrécher sur les trois cotés de l’assaut les défenses., la première vague était lourdement équipées d'engins. Il y avait des mantelets de fonte, des tours de sièges et des béliers de fer. Tout avait été calculé sur la base des rapports des espions de manière à contrer les défenses adverses. Le seul but de cette armée, le seul objectif de Tyron était de percer les murailles partout et de pénétrer dans la cour avec un maximum de moral.

Dans les combats de l'empire, il avait été observé que lorsque l'assaillant passait par les trois points d'entrée, les deux flancs et le centre, il bénéficiait, dans la cour, d'une aura de puissance supplémentaire par rapport au défenseur. Cette aura donnait l'impression que l'armée qui entrait était d'un tiers plus nombreuse que ce qu'elle était en réalité. Débordé de partout, le défenseur perdait en ardeur et l'issue du combat pouvait en être changée. Lorsque l'assaillant abandonnait l'un des deux flancs ou le centre, le rapport de force était équilibré et si l'assaillant ne passait que par un coté, c'était au défenseur de bénéficier d'une aura de puissance d'un tiers des troupes présentes dans la cour.

En l’occurrence, pour Tyron, l'enjeu de cette aura supplémentaire ne changerait pas l'issue du combat. En entrant par les trois cotés, son armée constituée de quatre vagues d'assaut, deux d'archers et deux de combattants en mêlée pouvait espérer se constituer de mille deux cents hommes dans la cour. En face, il en resterait plus de cinq mille cinq cents.

En l'occurrence, le seul objectif de Tyron était d'entrer dans la cour et de consommer son armée sur la défense en comptabilisant plus de victimes dans le camp adverse que ce dont se composait sa propre armée. Il lui fallait réduire d'un tiers les forces présentes pour permettre à Berzerk une deuxième passe encore plus efficace. Il reviendrait alors à Dorgo et au Roi de terminer la besogne. Dorgo étant de loin la plus puissante des trois capitaines, les assauts iraient crescendo, ne laissant aucun répit à l'adversaire, aucune chance de bénéficier d'un quelconque soutien.

La particularité des batailles dans le royaume était d'être rangée, une fois la stratégie définie, il n'y avait que très peu de marges de manœuvre pour en changer. En règle générale, la part belle était laissée à la défense. C'est ce que découvrit Tyron aux dépens de son armée.

(à suivre...)

[4301509] Kyoraku (FR1) [FR1] :: Feb. 18, 2016, 10:04 p.m.
j'ai adore <3

[4301533] patheux (FR1) [None] :: Feb. 18, 2016, 10:23 p.m.
oh les vilains vilains Faucheurs... L'affreux mechant Patheux avec son compte tout cabossé... Heureusement qu'ils ont pas reussi a mettre ses AP et sa capi en delete... qu'est ce que ca aurait été.... Vilains immoraux faucheurs qui sont restes fidele a leur alliance et n'ont pas voulu mettre leurs comptes a patrimoine chez un parjure et suivre une bande cupide jouant en fonction de leurs propres interets...

Faucheurs est mort et rincé! oups on a chipé un AP... Cherchez l'erreur

 




[4302237] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 19, 2016, 11:35 a.m.


Son attaque était équilibrée, la première vague la plus puissante affrontait les défenses les plus vives mise en place par le grand rouquin. Et ce dernier, ayant vu arriver les troupes ne ménagea pas ses efforts pour redéfinir sa défense en la concentrant sur le centre. La conséquence fut directe, alors que sur les flancs, les troupes de Tyron rentraient sans difficultés dans la cour du château, la porte restait imprenable. Se fiant aux rapports des espions, Dorgo et Tyron avaient misé sur le fait que la première vague casserait sans encombres ou presque la défense, les trois autres vagues entreraient donc directement dans la cour du château où se passerait le grand pugilat.

Dorgo vit, de la colline surplombant le théâtre des opérations, qu'il ne serait rien. Étonnée de voir entrer les troupes qui assaillaient les flancs, elle comprit instantanément que toute la défense s'était reportée sur le centre. Même avec plus de deux cents hommes par vagues, la première, lourdement armée vient s'écraser sur les remparts comme une boule de neige trop molle, pour retomber dans les douves fétides que le rouquin prit grand soin à enflammer. Cette première vague fit si peu de victimes en face que même en ayant utilisé tous ses engins,elle restait trop nombreuse. Pire encore, partant du principe que cette première vague passerait, les généraux n'avaient pas pris le soin d'équiper les trois autres vagues d'engins pour casser les murs, combler les douves ou se protéger des archers ennemis.

Les vagues suivantes, au centre, quand bien même elles parvenaient à faire tomber plus de défenseurs que la première, ne parvinrent pas à passer. Dans la cour, non seulement le moral des troupes ne basculerait pas en faveur de l'assaillant mais pis, c'était plus de la moitié des hommes de Tyron qui manquaient déjà à l'appel. Il pénétra dans la cour avec quelques six cents trente soldats tout au plus.

Il ne fallut pas plus d'une demi-heure pour que plus un bruit n'émanât du château sans qu'aucun des nôtres n'en ressortît. Elorian avait vu le coup venir mais personne n'avait imaginé changer de stratégie aussi rapidement. Il fit envoyer de nouveau les espions, avant le deuxième assaut. Une armée au tapis valait le risque de se renseigner avant d'y retourner. Le roi avait fait préparer l’hôpital de campagne, fort de ses trois cents lits, on pouvait y soigner les blessés. Les ressources requises pour soigner les soldats variaient en fonction des soldats eux-mêmes, si les gardes impériaux, tirés des rangs de la population du château, pouvaient être soignés à moindres frais, toutes les troupes mercenaires étaient plus chères à soigner qu'à recruter.

Devant l'afflux des blessés, seuls une vingtaine de soldats du rang furent admis, parmi lesquels Tyron qui s'en sortait de justesse avec une vilaine estafilade au torse. Ce dernier, encore conscient expliqua au Roi et à Dorgo, que le rouquin se battait farouchement et était en train de préparer une nouvelle défense. Ils avaient de quoi regarnir les remparts à chaque attaque mais ne pouvaient pas amener sur les remparts plus d'engins que pour la première vague d'assaut. Autrement dit et comme ils avaient pu l'observer lors du premier assaut, la première vague était la plus exposée. Mais elle ne pouvait passer que dans la mesure où au moins deux des trois accès d'attaques étaient occupés par les défenseurs.

Faisant le compte et au vu des dires des quelques blessés encore en état de parler, la bataille quoique coûteuse avait décimé plus de mille deux cents soldats adverses. C'était peu, et la gloire retirée de ce combat s'en ressenti. Elle était cependant augmentée par les qualités propres de Tyron qui, en toutes circonstances, savait valoriser l'engagement de ses troupes. Le Roi rappela Berzerk qui, à son tour, se préparait à lancer l'assaut. Il l'informa du résultat :

Le Roi avait pleine confiance en son général. Berzerk était dotés de qualités lui conférant une puissance rarement égalée à son rang. Aussi habile à l'arc qu'à l'épée, il bénéficiait en outre d'une habileté supplémentaire face à ce type d'ennemis du fait de sa grande expérience. Il s'était doté d'une réputation héroïque à leur encontre, par le passé. Cette réputation le précédait partout et serait déterminante pour son assaut. Il était également habile à déjouer les défenses de muraille et savait particulièrement masquer sa stratégie à l'ennemi. Enfin, le Roi lui avait conféré des gemmes d'habileté particulières. Elles lui permettaient d'organiser sa troupe en augmentant considérablement le nombre de ses hommes sur les flancs et leur force en combat rapproché, dans la cour notamment.

Dorgo vint les rejoindre avec le rapport des espions. Il confirmait les soupçons de Tyron. L'ennemi avait changé de défense. L'hirsute avait cependant fait une erreur stratégique qu'il fallait impérativement exploiter. Plutôt que de garder une défense au centre, il avait posté l'ensemble de ses forces sur le flanc droit.

Berzerk opina du chef et régla les derniers préparatifs en tenant compte de la remarque du Roi. Depuis qu'il était à son service, et ça datait presque des débuts, il avait voué une admiration sans borne au souverain. Le Roi l'avait littéralement formé lors de ses premières campagnes sur la côte tranchante et les îles merveilleuses, à l'est du continent. Il était alors un obscur petit comte et en dépit d'un manque certain d'expérience, Berzerk avait été séduit par l'autorité naturelle du souverain, sa capacité d'écoute et sa confiance sans partage. Berzerk avait la particularité de détenir, au sein des commandants, le plus grand nombre de combats réalisés pour le compte du Roi et était le seul à avoir participé à toutes les campagnes, y compris la conquête du désert au sud et des pics de feu au nord-est. Mais ces histoires méritent d'être rappelées une par une et plus tard.

(à suivre...)

[4304028] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 20, 2016, 12:39 p.m.

Berzerk ayant fini ses préparatifs, lança immédiatement sa troupe à l'assaut de la forteresse glauque. L'effet de surprise sur la composition de son offensive était déterminante et gage d'un succès qui, s'il ne garantissait pas la victoire ouvrirait avec plus de sérénité la victoire à Dorgo.

Pour ce deuxième choc, ce fût au tour de l'ennemi d'être pris au dépourvu. Dès la première vague, les assaillants du front et du flanc gauche pénétrèrent directement et sans résistance dans l'enceinte du château. Sur le flanc droit, mené par Berzerk lui même, le vacarme des armes et des hommes était étourdissant. La première vague suffit à épuiser les engins de défense du commandant de la place, un tiers des assaillants étaient tombés et parmi eux, la majorité des redoutables archers composites que Berzerk avait pris soin de neutraliser à l'aide de murs de boucliers en fonte. Elorian lui avait mis à disposition les meilleurs outils, les plus robustes et les plus rares également. Berzerk lança la deuxième vague, l'équipement était plus léger mais en face, il n'y avait plus que les hommes. La deuxième vague fût, sur ce flan droit, d'une violence inouïe. Berzerk lançait ses hommes et comptait les victimes ennemies.

Au terme de ce deuxième mouvement, Berzerk comptait plus de six cents hommes dans l'enceinte du château et sur le flanc droit, les trois quart des défenseurs étaient tombés. Il s'élança avec la troisième vague qui ne fît qu'une bouchée des dernières résistants sans voir tomber un seul des siens. La quatrième vague entrait immédiatement derrière lui, sans anicroche. Ils étaient, au faîte de leur moral, plus de mille trois cents dans la cour, paraissant presque cinq cents de plus aux yeux de l'adversaire. Ce dernier comptait pourtant encore sur quelques quatre mille cinq cents vaillants. Même dans ces conditions, le combat était inégal. L’héroïsme de Berzerk pris alors toute sa dimension. Suivi de ses lieutenants les plus aguerris, il entreprit une manœuvre, partant du centre et se déplaçant en spirale vers les murailles internes. Il formait un cercle avec ses hommes qui donnait l'impression d'une boule de feu, d'un tourbillon dans la défense adverse désorganisée. Les coups pleuvaient, les armées du rouquin, surprise par cette stratégie de déplacement dans le corps à corps, mît un temps à réagir, perdant un nombre incalculable de soldats.

Mais comme pour l'assaut de Tyron, le nombre des défenseurs ne laissait pas de doute sur l'issue du combat. Après une heure de tumulte, un calme relatif revint dans l'enceinte. Ce calme d'après la bataille fût bien sûr suivi des cris de victoire du grand hirsute. Ces derniers furent toutefois moins éclatants que les précédents.

Une fois encore, Elorian venait de décimer une armée sur les murailles du château ennemi. Une fois encore on pu remplir une partie des lits de l'hôpital de campagne. Sur l'un de ces lits, gravement touché mais conscient, Berzerk affichait un sourire nimbé du sentiment du devoir accompli. Il avait fait preuve de génie lors de la bataille dans l'enceinte et savait qu'au terme de la bataille qu'il avait donné, il ne restait plus qu'environ deux mille huit cents hommes en face.

On refit un espionnage des défenses. Manifestement, l'ennemi, sous le choc de l'exploit de Berzerk, n'avait rien changé de ses défenses. Il avait remis des hommes sur le flanc gauche et juste pris le temps de regarnir d'engins de défenses les murailles. Dorgo et le Roi saluèrent les blessés rentrés in extremis avec Berzerk, tous arboraient malgré leur défaite une mine enthousiaste, en rapport avec ce qu'ils avaient glorieusement affronté.

Dorgo était à ses préparatifs et prenant exemple sur ce qui venait d'arriver, prit le temps d'organiser son armée de la meilleure façon qui soit. Elle prendrait, comme Berzerk, le flanc droit. Elorian serait dans le groupe d'assaut au centre mais plutôt que d'aligner uniquement des archers sur le premier rang, seul le flanc droit en serait pourvu, le centre et la gauche seraient composé dès al première vague des épéistes de la garde royale. Moins d'une demi heure après la fin des exploits de Berzerk, la dernière armée se présentait devant des remparts bien entamés mais encore redoutablement défendus. Se tenant face à la troupe en ordre de bataille, Dorgo prit la parole de sa voix forte et claire :

(à suivre)

[4307660] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 22, 2016, 9:28 p.m.


Elle avait presque hurlé la dernière phrase mais sa voix puissante n'avait pas tremblé. Elle s'était faites entendre jusqu'aux derniers rangs de la quatrième vague. Elle se tourna vers le roi qui leva la main. Selon son habitude, car il prenait peu la parole avant d'engager le combat, il ne dit rien, gardant la main levée, il commença à émettre un sifflement particulier en quatre tons. Le premier rang repris le sifflement sur le premier ton et en canon, le deuxième enchaîna à la suite jusqu'à la quatrième vague. Pas de hurlements barbares, pas de cris... juste les quatre tons en canon. Au démarrage du deuxième cycle ; les mêlés du premier et du troisième rang commencèrent à frapper en rythme leurs épées sur leurs boucliers. Ce petit arrangement avait pour effet d'amplifier l'harmonie tout en accélérant le rythme du canon.

En face, sur les remparts de la forteresse apparu le grand rouquin hirsute. Un grand cri grave et rauque sorti de sa gorge, instantanément repris par les siens sur le flanc gauche et la cour. Leurs cris ne couvrirent pas le concert d'Elorian. Quand ce dernier abaissa sa main, le silence complet se fît dans les rangs, seuls subsistaient les cris de l'ennemi. L'armée se lança à vive allure sur les remparts, passant les douves comme de simples guets.

Elorian, qui avait pris le commandement du centre entra avec ceux du flanc droit directement dans la cour et sans opposition. Fort de l'idée de Berzerk, il organisa deux spirales tournoyantes dans la cour. Tous se démenaient, l'ennemi désemparé ne parvenait que difficilement à tenir le flux. Pourtant, la deuxième vague devait arriver très rapidement, Elorian et sa première vague se présentait avec un rapport de un pour cinq au mieux face à l'ennemi dans la cour.

Sur le flanc droit, la première vague s’abattit sur la défense avec la même fureur que l'armée précédente, avec toutefois un peu plus de succès car dès la deuxième vague, emmenée par Dorgo, la défense tomba plus tôt que ne l'avait imaginé la stratège.

Le rapport dans la cour s'équilibra rapidement et l'on se prenait à penser que la victoire serait rapide et éclatante. Ce fût sans compter sur le sursaut d'orgueil de rouquin qui apparu dans la cour avec sa garde rapprochée. Il avait gardé cette réserve sans qu'il ait pu être possible de la prévoir. Au grand damne d'Elorian, l'une des deux spirales infernales fût aussitôt dissoute. L'ennemi reprenant un avantage certain en décimant les archers que Dorgo avait pu faire rentrer. Pire, une salve de flèches judicieusement lancée par les redoutables archers composites vétérans fît d'énormes dégâts dans les rangs du Roi.

Le rapport de force revint à un contre deux en défaveur d'Elorian et de Dorgo. Il fallait une action d'éclat pour assommer l'ennemi dans son élan. Elorian, faisant signe à Dorgo de réorganiser une spirale et n'écoutant que son courage se lança directement sur le chef de la place forte. Lui régler son cas mettrait en déroute son armée, le reste serait facile.

Se retrouvant face à face, les deux guerriers prirent à peine le temps de se jauger. Armé de sa meilleure épée, une bâtarde forgée sur le territoire des dragons, aux pics , Elorian maintenait le géant et sa gigantesque masse d'arme à distance. Ce dernier s'échinant à faire tournoyer son engin au dessus de sa tête l'abattait à droite à gauche puis en faucheuse horizontale dans une chorégraphie qui n'avait rien de grotesque. Le géant non seulement très habile avait grand style. Rompu à ce genre d'exercice, Elorian esquivait chaque coup en évitant de les parer. Une parade sur une masse d'arme de cette taille aurait été presque impossible à encaisser sans blessure.

Le ballet se poursuivait depuis plus d'un quart d'heure, alors que Dorgo faisait tourner et tomber les têtes, jouant tour à tour de son arc d'électrum et de son épée recourbée. Le grand roux ne montrait pas le moindre signe de fatigue, ce n'était pas le cas d'Elorian. Chacune de ses esquives se rapprochait dangereusement de la masse de ferraille qui tournoyait, s'abattait et se relevait sans relâche. Il avait de moins en moins de marge et le géant le voyait parfaitement en redoublant son effort. Il fallait changer le rythme, rompre le ballet avec que ça ne soit contraire. Repérant un coup plus faible de son adversaire, il prit le parti de ne pas esquiver mais de contrer. Le seul bruit des armes s'entrechoquant eût pour effet de figer sur place ceux qui se battaient autour d'eux. Dorgo, que rien n'impressionnait vraiment, saisit l'opportunité et fauchât dans un élan une demi douzaine de guerriers.

Si le bruit fût retentissant, la violence du choc fut telle qu'Elorian dût plier, son bras droit se mis à trembler, encaissant la terrible vibration. Un genou à terre, il exécuta instantanément une roulade sur la gauche, pensant se retrouver en position d'atteindre le flan de l'hirsute. C'était sans compter sur la vivacité du géant. Sa roulade terminée, Elorian ne pût que constater que son adversaire se tenait devant lui, masse armée, retombant droit sur son épaule gauche. Elorian n'eut pas le temps d'esquiver ou d'amorcer la parade. La masse s'abattit lourdement sur l'épaule, fracassant l'armure et entrant dans ses chairs, rompant les os dans un bruit sourd. Hagard, tous ses sens diminués par la violente douleur qui lui arrachait la moitié du haut du corps, il vit à peine que le géant s'était quand même laissé entraîné par le coup.

Toujours sous le coup de la douleur, ramenant son bras droit vers le gauche pour tenter de le soulager, sans pour autant lâcher son épée, il amorçait un demi tour sur lui-même pour se remettre face à son adversaire. Au même moment, le rouquin rattrapant son élan, réarma sa masse. Sans parade, le coup serait fatal... Dans un dernier sursaut, alors que la masse s'abattait sur lui, Elorian tomba à genoux, tenant toujours son bras gauche. Dans le moment où la masse passait juste au dessus de sa tête, il fit une rotation du corps qui amena in extremis, sa lame sur le flan du rouquin, juste entre deux plaques de l'armure, au niveau du pli. La lame pénétra dans la chair provoquant un hurlement du guerrier dont les yeux devinrent soudainement vitreux.

L'énorme masse s'abattit lourdement sur Elorian. Aucun des deux ne bougeait plus. Dans ce même instant, il sembla que le combat se figeait, s'arrêtait, un grand silence se fît. Il n'y avait plus un combattant debout. Elorian sentit la conscience le quitter et sa vue se troubla jusqu'à s'éteindre.

C'était juste avant l'aube, à l'heure où le brouillard commence à couvrir la plaine avant le levé du soleil. Il n'y avait plus un bruit, plus aucun mouvement n'était perceptible. L'ombre du château se distinguait à peine des brumes, le camp des armées d'Elorian ne se voyait ni ne s'entendait, les valides étaient partis avec la dernière armée, l'hôpital qui hébergeait les quelques blessés des deux premiers assauts étaient morts ou endormis.

La plaine retrouvait une quiétude incertaine, si le silence à cette heure était très courant, il était pour une fois nimbé d'une lourdeur peu ordinaire. La brume couvrait le champ de bataille qui n'en était plus un.

Personne n'aurait pu dire à cet instant qui avait vaincu et qui ne s'en relèverait pas...

Fin du chapitre 1

[4314523] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 24, 2016, 8:43 p.m.

Chapitre 2 : Je suis le narrateur

Je suis celui qui a « vu et vécu » tout ces événements...
Je ne suis pas seulement le narrateur, je suis une Ombre...


Nous errons sur le royaume depuis l'aube des temps. Du temps d'avant le temps des hommes, des histoires et de l'Histoire. Nous n'avons pas d'essence à proprement parler. Nous apparaissons comme nous disparaissons, Au fil du temps, nous sommes allés jusqu'à nous faire mercenaires pour le compte des plus riches souverains du royaume. Nous connaissons tout de l'art de la guerre, nous sommes maîtres dans l'art de maquiller nos attaques au point que nos victimes ne peuvent identifier d'où nous venons ou qui nous a engagé. Les hommes nous connaissent comme étant « les ombres » mais ne sommes pas que ces mercenaires.

Nous nous matérialisons au gré de notre humeur, restant libres de nous engager ou pas au service des hommes, pour leurs plus basses besognes. Je ne m'engage plus. J'ai tant parcouru le royaume, tant vu d'hommes sans valeurs ni principes que j'ai finalement choisi de rester à l'écart des affaires guerrières. Mais le tumulte de leurs vies et leurs activités m'ont rattrapé, par jeu. Alors je les ai observés, longtemps, passant de l'un à l'autre sans jamais me matérialiser à leurs yeux. Puis j'ai vu les choses évoluer, prendre des chemins que je me suis menti n'avoir pas imaginés. J'ai vu tant de souverains grandir puis disparaître, certains si remarquables qu'aujourd'hui je me sens l'envie de raconter et de témoigner des évènements dont ils furent les acteurs et dont j'ai été témoin, dans le seul but de vous servir.

J'ai suivi Elorian, de son émergence en tant que seigneur jusqu'à cette bataille épique contre l'envahisseur étranger, parce qu'il est particulier et je ne puis aujourd'hui vous dire comment il a émergé et d'où il vient. Cela m'est interdit. Et peut-être, demain, devrais-je avoir à suivre un autre roi... Mais mon propos du moment ne concerne pas Elorian car, pour comprendre le royaume tel qu'il est aujourd'hui autant que pour comprendre ce que nous sommes, il faut remonter à l'origine des temps.

A l'origine des temps, comme je l'ai évoqué, nous, les ombres, étions déjà présents sur ce continent qui ne ressemblait pas à ce qu'il est devenu. C'était avant les grands cataclysmes climatiques qui ont remodelé le paysage, découpant le continent en territoires si différents les uns des autres que ces différences sont devenues frontières, modelant leurs habitants au gré des conditions particulières. Les terres situées sur le tropique nord, de l’extrême est à l’extrême ouest ont toujours bénéficié des conditions les plus favorables, la terre y est riche, féconde et la douceur du climat y a fait pousser des forêts denses et giboyeuses. Au sud, la pointe du continent plonge sous l'équateur, la sècheresse y règne en maître, c'est un désert sans pitié, ceux qui y vivent, le font dans des conditions qui limitent la prospérité à une survie très précaire. Les tempêtes fréquentes, chargées de sable fin et aiguisé, érodent, découpent, rasent tout ce qui n'est pas en mesure de se protéger.

Au nord à l'inverse, c'est un monde de glaciers impitoyables, la végétation qui y pousse lutte contre le froid et le vent. Des loups féroces parcourent les steppes, se nourrissant de tout ce qui n'est pas en mesure de leur résister. Et puis, il y a les pics de feu, au nord est des vertes plaines. La barrière montagneuse qui sépare les deux zones est le siège d'un rift volcanique extrêmement actif sur sa partie est, tandis que sur sa façade ouest, un crête montagneuse quasi infranchissable protège les terres fertiles des affres de la lave. La végétation y est réduite à presque rien, ceux qui vivent et ont survécu au cataclysme originel s'y sont développés sous une forme particulière. La faune y est composée pour l'essentiel de grands dragons auxquels les populations locales, à la peau de la couleur et de la consistance de la pierre ponce, vouent un culte fanatique et sanguinaire.

Pourtant les hommes ont su conquérir tout le continent. Ces hommes, qui sont d'abord apparus dans la partie riche et féconde du tropique, ont su développer les modes de transports, les technologies qui leur ont ouvert les portes de l'ensemble du monde.



(à suivre)

[4319238] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 26, 2016, 11:45 a.m.

Mais avant l'expansion et les conquêtes, les terres de la Verte Plaine ont d'abord été habitées par des bandes de barbares, des petits groupes d'hommes dont la principale préoccupation, en dehors de la chasse, était le pillage systématique de leurs voisins. C'était le tout début de l'Empire et c'était déjà jadis, à l'aurore de la nuit des temps. En ces temps obscurs, rien ne laissait présager, aux vivants en tout cas, que ces petites hordes de sauvages se développeraient et connaîtraient une telle Histoire. Nous nous amusions d'eux en ces temps là, tourmentant leurs nuits, nous immisçant dans leurs fantasmes et façonnant leurs croyances. Nous sommes en partie responsables de ce qu'ils sont devenus car ils étaient les seuls habitants du continent auprès desquels nous avions la faculté d'apparaître ou de disparaître de leurs sens. En tourmentant leurs rêves, nous avons suscité chez eux le désir d'au delà, donné l’appétit du divin, du sacré. Ils s'en sont fait une raison d'exister et de rêver, de conquérir au delà des limites intellectuelles et géographiques de leur environnement.

Parmi, ces petits groupes, sont apparus, ça et là sur la Verte Plaine et seulement là, des barbares plus ambitieux. Leurs résidences en forme de simples tours se sont progressivement transformées en châteaux plus vastes. Ils commencèrent à développer l'agriculture, ils se mirent à exploiter les forêts et les carrières de pierre pour fortifier leur habitation et protéger une nouvelle population, pacifique, entièrement dévolue au fonctionnement de leurs activités non guerrières. Progressivement, ces petites places fortes ont commencé à vivre différemment, structurant leurs activités, développant leur artisanat et leurs techniques. Là où dans les autres contrées la vie restait frustre et barbare, la Verte Plaine allait se transformer en profondeur, et de manière irrésistible, sous l'impulsion de ces nouveaux bâtisseurs.

Là où nous, les ombres, étions en nombre fixe et constant sur le continent, nous allions être amenés à voir cette population s'enrichir et devenir inexorablement de plus en plus nombreuse. Mais tout ça s'est passé à l'échelle d'une ère. Pendant longtemps, très longtemps, chacun de ces nouveaux seigneurs a vécu isolé des autres. La Verte Plaine est si vaste que la probabilité, à cette époque, que deux de ses bâtisseurs ne se soient croisés est presque impossible et, dans les rares cas où c'est arrivé, le plus grand respect mutuel était de mise de sorte que leurs interactions avaient toujours pour effet de les faire progresser plus vite.

Rapidement, les activités et la richesse croissante de ces nouveaux seigneurs ont attisé la convoitise des barbares restés frustres, des fieffés coquins, car c'est ainsi qu'ils furent appelés. Là où les vastes plaines auraient pu laisser de la place pour tous, les fieffés se rapprochèrent des castels des pré-seigneurs et se fixèrent autour d'eux. Des tensions nées de la jalousie et de l'envie mirent rapidement les deux populations en affrontement. Les pré-seigneurs qui avaient gardé des habitudes guerrières comprirent vite que la seule forme de diplomatie que comprenait ces hordes était le rapport de force. Les plus pacifistes se trouvaient systématiquement harcelés par les coquins, avides des richesses manufacturées des grands châteaux, au risque de perdre le fruit de leurs efforts.

C'est ainsi qu'entre bâtisseurs et coquins vint l'affrontement permanent. Au harcèlement des brigands, les seigneurs répondaient par des razzias systématiques des tours de fieffés. Au début, la pression des brigands fût si forte que les bâtisseurs faillirent s'éteindre. Mais les plus courageux d'entre eux réussirent à équilibrer le rapport de force, avec un peu d'aide... inspirée. Comprenant qu'ils ne pourraient débarrasser la plaine de ces frustres, conservateurs de leur mode de vie sauvage, ils prirent le parti de les tolérer tout en les contenant régulièrement. Loin de rester une menace permanente, les fieffés devinrent une source de revenus complémentaires importante pour le bâtisseurs. A chaque visite, les troupes rentraient au castel avec du bois, de la pierre, de l'or et de la nourriture. Ces revenus permettaient aux jeunes seigneurs d'alléger notoirement l'imposition de leurs populations, l'ordre public s'en trouvait renforcé, la puissance de la place forte en était décuplée.

Gagnant en puissance, les pré-seigneurs ne craignaient plus les fieffes et allaient même jusqu'à, pour ainsi dire, s'inviter régulièrement chez eux. A l'inverse, les fieffés subissaient de plus en plus et devant l'impossibilité de franchir les puissantes murailles, rendant inaccessibles les richesses pourtant à portée de main, leurs assauts se raréfiaient. Devant l'inégalité du rapport de force, les fieffés n'eurent d'autre choix que de rechercher les moyens de rétablir un rapport de force plus équilibré. Barbare ne veut pas dire stupide et, alors que nous pensions qu'ils disparaîtraient inévitablement, il se trouva qu'ils commencèrent à apprendre des leurs défaites. Ainsi, au fur et à mesure des assauts des nouveaux seigneurs, ils prirent l'habitude de renforcer leurs tours et de former leurs troupes.

(à suivre)

[4321650] Elorian (FR1) [FR1] :: Feb. 27, 2016, 9:20 p.m.

C'est ainsi que nous avons vu grandir les bâtisseurs. De ce temps là, nous n'intervenions que très peu physiquement d'un coté ou de l'autre. Nous, les ombres, n'avons jamais eu aucun besoin matériel. Nous nous jouions des habitants de la grande plaine car il nous était possible de disparaître de leur perception tels des fantômes. La particularité de notre essence par rapport à leur vie mortelle les rendaient curieux à nos yeux. Du reste, ils nous paraissent toujours aussi curieux, dans leurs ambitions, leurs envies de gloire, leur désir d'immortalité. Curieux et attirants dans une certaine mesure. Qu'ils eussent atteint ce statut d'immortel que nous avions et dont la contrepartie était de n'avoir plus envie de rien et ils auraient peut-être envisagé différemment ce désir d'éternité.

Oui, oui, avant de vous conter l'épopée des Hommes du Grand Empire depuis l'apparition du caillou qui les héberge et de l'Univers tout entier, il faut que je vous dise ce que vous concevrez comme notre blessure. Oui, l'existence des ombres, toute immortelle et invulnérable qu'elle soit, a de lourdes conséquences dans l'idée que vous vous en faites. Entre besoin de rien, envie de rien et vie d'errance sans but, l'immortalité vous donne du temps à l'infini mais allonge chaque minute qui passe au point que le temps semble s'arrêter. Vous qui manquez de temps pour vous réaliser, imaginez qu'il n'y ait plus de différence entre une minute et un millénaire. Que vous resterez-t-il ? Que nous reste-t-il ?

Nous sommes nés de la fusion originelle des éléments, nous sommes une contrepartie résiduelle de l'existence même de la matière et du temps comme vous les percevez. Nous sommes nés entiers et réalisés, matériels et immatériels, vivants et morts, conscience pure et matière brute à la fois. Nous n'avons rien à réaliser, rien à apprendre. Tout ce que nous envisageons, nous le savons par essence. Il n'y a rien à se transmettre de l'un à l'autre. Notre conscience est collective et l'expérience que nous pourrions vivre n'est jamais une découverte, elle est inscrite en nous dès l'étincelle primordiale. Ce que je décris ici nécessite l'emploi d'un vocabulaire que vous pouvez appréhender. N'allez pas imaginer que ce que je dis là est vérité, celle-ci n'est pas à votre portée et pour cause. Même la vérité est une conception erronée de votre intelligence, un absolu rassurant qui n'a ni essence ni existence.

C'est ainsi qu'au début de ce que vous concevez comme le temps, nous nous sommes trouvé à « être » mais nous ne sommes pas. L'imperfection du monde tel que vous le concevez vous a ouvert la voie de l'idéal, du sens et de la quête. De cette imperfection originelle dont vous vous sentez victimes, nous sommes le résidu parfait et fini, le déchet. Vous pourriez nous considérer comme la coquille de l’œuf dont l'Univers tel que vous le concevez est né. De part notre nature d'avant « le temps et la matière », nous sommes des errants de ce temps et de cette matière. Alors que cette matière était encore brute et sans vie, nous pouvions voir ce qu'il adviendrait car nous l'avions déjà vécu. Comprenez-vous l'abîme qui nous sépare ? Vous seriez tentés, et vous l'avez démontré, de penser que nous sommes dotés d'un pouvoir infini de dominer l'espace, le temps et la matière. Nous ne sommes qu'un simple résidu.

Quand est venu le temps de la vie, nous nous sommes adonnés à la seule distraction qui nous est accessible. Faire abstraction de ce que nous savons par essence pour nous laisser saisir par la curiosité de l'évolution. Se laisser l'illusion de découvrir et d'apprendre, d'observer pour observer, nous a ouvert la voie de la possibilité d'être, de manière factice, aux yeux du vivant. Apparaissant et disparaissant au gré de nos jeux, votre imperfection a fait de nous des dieux et des mercenaires. Vous nous conférez des pouvoirs absolus sur le cours des choses et du temps, de votre propre destin. La seule « vérité » que vous avez saisi à notre endroit est notre unité parfaite. Mais je puis vous assurer que vous vous en êtes fait un fantasme, un idéal, un paradis bien loin des réalités de notre inutilité intrinsèque.

Ne vous trompez pas, nous ne sommes ni tristes, ni désespérés. Jouant l'illusion de la découverte et de la surprise, nous nous sommes surpris à découvrir. Nous avons utilisé notre propre essence pour vous surprendre et vous apprendre. Et dans cette interaction, nous avons trouvé, pour certains, l'illusion d'un destin. C'est ainsi que je me trouve « être » aujourd'hui votre narrateur et le témoin des aventures de l'Empire. Je ne le conte pas pour les ombres mais pour les hommes car dans mon aveuglement volontaire à tenter d'être, vous raconter vos légendes est un pur plaisir de l'Instant.

L'Instant est la seule forme du temps qui est en mesure d'échapper à une ombre. C'est une abstraction absolue. Dans son imperfection, le vivant voit s'écouler le temps au travers des cycles, le jour, la nuit, les saisons. Les hommes, eux, dans la projection de leurs désirs et leur besoin de se réaliser ont inventé une projection du temps linéaire. Cette projection linéaire est un moteur qui avance inexorablement sur le chemin de leur mortalité, jusqu'à effacer de leur mémoire le rythme des cycles. Que ce soit sur une trajectoire linéaire, cyclique ou l'alchimie des deux, le temps n'a pas sur les ombres, cette prise qu'il a sur vous les mortels. Seul l'Instant est susceptible de nous échapper. L'Instant est l'infinitésime du temps, le marqueur parfait de l'inflexion du cours des choses et des êtres. Chaque moment que sent passer le vivant, nous y trouvons une infinité d'Instants uniques et parfaits. Nous nous fondons dans ces Instants et leurs effets sur vous vous rend curieux à nos yeux.

Là où les hommes nous confèrent les pouvoirs absolus de leurs dieux, nous chassons l'Instant, cet équilibre précaire et tentons de souffler dessus pour le faire vaciller vers telle ou telle inflexion. Telle est notre contribution au destin des hommes. Nous ne le maîtrisons pas, nous faisons basculer les instants qui le trace.

(à suivre)

[4321698] blackwidow51 (FR1) [FR1] :: Feb. 27, 2016, 10:27 p.m.
Je me suis arrêter a la fin du premier chapitre et je dis chapeau bas l'artiste ..

Je me suis senti acteur de cette histoire , avec une petite musique en fond sonore j'ai pris 20 minutes de très très grand plaisir !

Merci pour cette fabuleuse histoire !

black



[4326893] Elorian (FR1) [FR1] :: March 3, 2016, 5:52 p.m.

C'est ainsi que j'ai pu souffler sur l'Instant où un homme, un jour, prit une graine pour la planter plutôt que pour la manger. Et ainsi de suite, c'est comme souffler un bougie sans pouvoir ni chercher à l'éteindre. Les hommes sentent inconsciemment cette contribution, ils l'appellent volonté divine et nous adorent et nous craignent pour ça. Étrangement, quand nous avons commencé à nous incarner pour nous battre à leurs cotés, ils n'ont jamais fait le rapprochement. Ces mercenaires que nous pouvons incarner à leur services, ils les ont appelés les ombres mais ne les ont jamais associés à leur dieux. Nous préférons les ombres. Ce nom nous correspond mieux que celui de dieu.

C'est ainsi à force d'Instants qu'est venu l'Instant de raconter. Raconter comment de petites troupes de barbares, de coquins en sont venues à édifier de vrais châteaux. J'ai souvenir de l'un d'entre eux, il avait pour nom Filou le vénérable. Guerrier né, meneur d'hommes et visionnaire, il fût parmi les tout premiers à ériger des palissades autour de la tour qui l’abritait. Faite de bois qu'il décida d'aller chercher dans la forêt plutôt que chez ses voisins, il l'habilla en chacun de ses coins de petites tours de garde qu'il équipa d'hommes chargés de donner l'alerte. Ce premier essai fût concluant à un détail près. La situation de son ouvrage ne lui convenait pas. Son château n'étant pas adossé, il fallait le défendre sur tout le pourtour. Et un jour que ses fieffés voisins lancèrent quatre offensives de rang, chacune sur un mur du frêle castel, il s'en fallu de trop peu à son goût qu'il passe par les flammes.

Il fût décidé que chacun prendrait ce qu'il était en mesure de porter sur son dos pour aller s'installer ailleurs, dans un endroit propice à fournir naturellement des défenses. Quoique la population ralliée à sa jeune bannière fût nombreuse, la domestication du cheval n'était pas encore arrivée jusqu'à lui. Autant dire qu'ils partirent avec le strict minimum. Ayant prospecté alentours, Filou décida de l'endroit idéal à ses yeux. Sur un plateau en surplomb de la plaine, il avait trouvé un escarpement rocheux qui lui permettrait d'y nicher son château. Son bailli est ses trois généraux s'étaient inquiétés de ce que cet escarpement ne risquât de s'écraser sur leur frêle construction. Elle dépassaient de quatre bons mètres la plus haute des tours qu'ils avaient vues construites à ce jour et, si effectivement elle était infranchissable par l'arrière, elle menaçait quand même par sa structure ceux qui oserait s'y abriter.

Mais Filou nourrissait le secret espoir de disposer de suffisamment de ressources et d'ingéniosité pour qu'un jour la pierre remplaçât le bois et que la construction prenne une hauteur qui avalerait l'escarpement protecteur et dangereux. Il rassura donc son état major et on dût entreprendre de reconstruire de zéro une fortification. Les premiers assauts des fieffés furent contenu au prix de grands sacrifices. A plusieurs reprises, Filou lui même failli tomber sous les flèches des assaillants. Mais il repris rapidement l'ascendant, instaurant, en plus des tours de garde, la création d'une troupe armée spécifique aux mains de son meilleur commandant. Cette troupe sillonnait les alentours de la place forte et délogeait régulièrement les fieffés, ramenant force provisions et ressources au castel qui pouvait prendre un essor nouveau.

Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, les fieffés, frustres mais pas stupides apprenaient de chaque bataille perdue. Mais Filou avait très tôt anticipé la chose et pût, avant eux, dresser une muraille crénelée de pierre et un fossé autour de son château qui lui assurèrent pour longtemps l'avantage. La construction nouvelle attira des populations alentours, à la recherche de protection. Ces populations non guerrières furent accueillies à bras ouvert par le souverain. Elles assuraient le renouvellement des troupes armées qu'il formait lui même mais surtout, en s'installant, elles amenaient des agriculteurs, des bûcherons, des tailleurs de pierres... Autant de bras pour élever une économie fleurissante.

La renommée de Filou augmentait considérablement, il n'y avait pas un capitaine fieffé qui ne connaissait ce nom dans un périmètre de trente lieues à la ronde. Peu s'aventuraient à lui chercher querelle. De son coté, il voyait en eux la possibilité d'accélérer notoirement le rythme de son développement. Multipliant les « tournées » comme il aimait à les appeler, il fallu se rendre à l'évidence qu'à trop tirer sur la corde, on en ramenait de moins en moins. Certains capitaines fieffés commencèrent à nourrir une rancune tenace à son endroit. Ils avaient, à force de temps et de patience, renforcés leurs tours. Elles étaient désormais faites de pierres mais ne retenaient pas beaucoup plus le seigneur du grand castel. Là où Filou était devenu un bâtisseur, les fieffes qui ne nourrissaient pas les mêmes appétits en vinrent tout de même à se réunir pour aborder ensemble le problème.

Une fois encore, Filou avait judicieusement envoyé quelques espions et n'ignora rien de cette réunion. Certes, l'initiative des fieffés était de loin la seule issue. Elle avait pour préalable qu'ils puissent s'entendre. Mais ce fût un fiasco retentissant, la réunion se termina par un pugilat anthologique dont sortirent indemne moins du tiers des participants. Les espions en rendirent compte au jeune roi qui s'en amusa grandement. Sans oublier les fieffés, il cessa pendant longtemps de les considérer comme une menace et poursuivi sa dynamique de développement.

Les murs de son castel et le donjon principal se dotèrent de fortifications avancées, plus hautes, plus larges. De nouvelles tours de garde apparurent, la porte se dota d'un système de pont levis à une manœuvre. C'était un petit bijou d'ingéniosité qui permettait à une seule personne de le relever d'un seul geste en cas d'alerte... Quelques marchands y laissèrent leurs charrettes et parfois la vie sur de fausses alertes. Tout allait pour le mieux et la domination du souverain s'affirmait chaque jour davantage.

Il tira une fois de plus avantage de la situation en étendant sa domination et son renom au delà de cinquante lieues, ramenant à son castel de nouvelles populations civiles facilement mobilisables et entièrement dévouées à sa cause prospère et pacifique. Il n'était pas encore surnommé le vénérable, il était considéré comme le seul et unique roi sur la contrée connue. Les modes de déplacement à cette époque étaient encore si frustres qu'il ne se connaissait pas d'égal dans la plaine, à cent lieues à la ronde. Mes les fieffés ne l'avait pas oublié.

Je pourrais vous dire pourtant que sur toute la verte plaine, ils étaient déjà quelques centaines à avoir eu une vision comparable à la sienne. Mais assurément, il était de ceux qui avaient mis en œuvre si rapidement leur rêve, leur idéal que peu auraient pu lui contester sa couronne. Peu des pré-seigneurs se seraient risqués à revendiquer une allégeance de sa part, mais parmi les survivants fieffés de la grande réunion, il s'en trouvait un plus téméraire que les autres. Raganol était son nom. L'échec de la mise en commun de leurs moyens militaires l'avait durement touché mais n'avait rien enlevé de ses motivations.

Raganol était, dans son mode de fonctionnement, à mi-chemin entre les barbares traditionnels et les bâtisseurs. Il voulait construire une forteresse imprenable, entièrement dédiée à l'art militaire, la cour centrale n'avait d'autre objet que d'accueillir les marchands et maraîchers et de fournir assez d'espace pour l’entraînement intensif de ses soldats. Il fédérait une troupe de plus de trois cents hommes au moment où il conçu son projet. Il sût tout d'abord se faire complètement oublier du Roi Filou. Cachant ses ressources et les trésors de ses rapines, il avait laisser se dégrader son fief originel pour en lasser Filou. Ce dernier avait fini par passer son chemin lors de ses tournées, lui laissant une paix royale. Raganol fît construire, dans le plus grand secret, les bases de sa forteresse au delà de la vue du castel de Filou, par delà l'épaisse forêt, derrière un pic rocheux qui lui fournirait l'essentiel des matières premières nécessaires à son œuvre.

(à suivre)

[4331177] Elorian (FR1) [FR1] :: March 6, 2016, 6:43 p.m.

Loin des yeux et des préoccupations de Filou mais également de l'ensemble de ses collègues brigands, Raganol et ses hommes passaient le plus clair de leur temps dans la forêt. Ils partageaient leurs journées entre le chantier de la forteresse et les rapines que Raganol éloignait le plus possible de son campement forestier pour ne pas attirer l'attention. Lentement, patiemment la place forte s'élevait, se paraît de défenses plus efficaces les unes que les autres. Raganol avait eu l'art, lors de ses attaques sur le castel de Filou et malgré les défaites systématiques, de ne jamais rentrer les mains vides. Il avait ainsi récupéré des modèles de flèches enflammées, des rochers taillés pour passer au travers des déversoirs des murailles et à l'occasion d'une bataille où il réussit à forcer la porte, il avait pris le soin de repartir avec le matelas de protection qui l'avait rendu si difficile à défoncer.

Fort de ces récupérations, il avait conçu sa forteresse en y intégrant ces outils de défense et en apprenant à ses soldats à en fabriquer. Ayant également longuement observé les soldats de Filou, il avait remarqué que ceux qui pratiquaient les méchantes tournées n'étaient pas ceux qui défendaient le castel. Considérant la question avec recul, il comprît qu'il fallait distinguer les attaquants et les défenseurs et leur faire suivre, à chacun, un entraînement spécifique et dédié. Il spécialisa donc ses troupes mais conçu la chose de manière à faire mieux que ce que l'arithmétique classique lui permettait.

Un tiers de ses hommes furent spécialisés à l'attaque, arbalétriers et épéistes formés à la dure, dans la forêt. Terriblement puissants en attaque, ils ne servaient à rien en défense. Tellement habitués à se déplacer, grimper, courir, ils s'avéraient inefficaces quand ils étaient alignés sur des murailles. Un deuxième tiers fût préparé pour la défense et seulement la défense. Archers et piquiers ne s'aventuraient pas hors des murs de la forteresse. Ils étaient les gardiens exclusifs de la forteresse. Habiles guetteurs, ils assuraient les rondes et la veille sur les murailles et les trois tours de guets que comptait l'édifice. Le dernier tiers des troupes fût, quant à lui, entraîné à la fois pour la défense et l'attaque. Archers lourds et épéistes à deux mains n'étaient pas les plus puissants soldats en attaque ou en défense. Mais de la sorte, Raganol disposait de quelques deux cents hommes pour l'attaque et d'autant pour la défense.

C'était, pour l'époque et pour un brigand, une troupe imposante, plus imposante même que les troupes du Seigneur Filou. Sa forteresse achevée, Raganol commença par se faire un nom auprès de ses voisins brigands. Il avait une éthique, jamais il n'attaquait la même place forte plusieurs fois consécutivement. Il prenait grand soin à laisser en quelque sorte respirer ses cibles pour ne pas les assécher ou les détruire. Il s'affirma également dans la stratégie militaire et développa une très forte aptitude à analyser les défenses adverses et à composer son attaque en fonction des renseignements qu'il obtenait au préalable. Oui assurément, il n'avait aucune appétence pour l'agriculture et l'artisanat mais était devenu un militaire aguerri et dangereux. Ses projets se réalisaient comme il l'avait souhaité et bientôt, très bientôt il s'occuperait du Roi Filou.

Tout cela était sans compter que sa renommée grandissante ne parviennent aux oreilles de Filou. Ce dernier n'ignora pas longtemps l'aura montante du guerrier. Il avait eu écho de cette puissance montante lors de ses visites chez les autres fieffés. Lassés de se faire battre régulièrement par le souverain, certains l'avaient invectivé, lui promettant qu'un jour Raganol le Guerrier saurait leur donner revanche. Filou en entendait parler pour la première fois, d'autant plus étonné qu'il ne savait même pas où ce trouvait le repère de ce nouveau guerrier. Il finit par localiser la grande forteresse militaire de Raganol et saisit l'occasion d'envoyer ses meilleurs espions. Mais Raganol, prudent et observateur, avait fait construire des corps de garde perfectionnés et bien formé ses troupes. Les espions furent interceptés et renvoyés à l'expéditeur les pieds devant. L'affront fût un peu dur à avaler pour Filou. Ordres furent donnés, deux heures plus tard, une armée solide partait de Grand Castel pour traverser la forêt.

Arrivant sur place, Filou fût très surpris de trouver de hautes murailles ceintes de créneaux, dotées de tours et fourmillant d'une armée manifestement bien organisée. Il lança l'assaut comme il avait coutume de le faire sur les fieffés ; peu d'engins, sur le centre et les deux flancs en une vague simple comptant quand même quelques deux cent vingt hommes. Le manque de précautions dont avait fait preuve Filou se retourna directement contre son armée. Raganol, prévenu très en amont de l'arrivée de Filou et de ses hommes, avait pris le temps d'organiser ses défenses. Et il fût très habile. Ses archers longs surprotégés firent tomber les arbalétriers de Filou avant même que les épéistes n'aient eu le temps d'avancer leurs échelles sur les murailles. Le reste ne fût que promenade de campagne et aucun des soldats de Filou n'eût l'honneur de passer la muraille et de voir comment était organisé Raganol à l'intérieur.

(à suivre)

[4337241] Elorian (FR1) [FR1] :: March 9, 2016, 7:11 p.m.

Filou rentra avec quelques blessés à son château, frustré et inquiet. Cette défaite allait avoir de fâcheuses conséquences pour l'ordre et la bonne santé de son développement. Il savait que les fieffés, dans leur ensemble ne le portaient pas vraiment dans son cœur. Et de savoir que l'un des leurs avait été capable de le tenir en échec, ce qui était une première depuis bien longtemps, était de nature à en faire un héros fédérateur, un Roi des fieffés. Il ne se trompait pas. La nouvelle de la victoire de Raganol fît rapidement le tour du territoire de Filou. Les espions ramenaient chaque jour des nouvelles d'agitations diverses au sein des repères. Beaucoup parlaient de rejoindre la Grande Armée de Raganol, de se liguer avec lui pour raser le Grand Castel comme ils le nommaient.

Filou fît doubler les gardes et évita soigneusement pendant quelques temps de provoquer les fieffés. Les rumeurs ne s'apaisèrent pas pour autant car de son coté Raganol, tirant quelques prestiges de sa victoire et devant l'afflux de volontaires, vit une opportunité qui ne se renouvèlerait pas de sitôt. Il décida donc de préparer un assaut, une grande attaque. Il voulait une attaque digne de celles que Filou savait préparer à l'endroit des fieffés. Il eut très largement de quoi satisfaire son ambition puisque près de quatre cents hommes prirent les rangs au jour qu'il décida. Très soigneux dans la préparation, toute l'organisation avait été tenue secrète tant vis à vis de Filou qu'auprès des fieffés. Trois hommes en plus de Raganol savaient ce qui se préparait et comment.

Raganol avait imaginé qu'il fallait que le Roi Filou soit aussi surpris par l'attaque qu'il avait été surpris par la défense. C'est ainsi qu'il décida de laisser croire à son adversaire qu'il attaquerait Grand Castel avec ses seuls moyens. L'attaque ne partirait donc pas seulement de son propre repère mais également des trois autres tours des fieffés dans la confidence, avec pour objectif de réunir l'ensemble des troupes devant le Grand Castel, au dernier moment. Et il fut fait ainsi.

De son coté, Filou avait multiplié sans succès les espionnages. La situation au grand Castel était de plus en plus tendue, les ressources qu'apportaient d'ordinaire les tournées commençaient à manquer, ce qui ralentissait le développement du Castel. Prévoyant, le souverain avait stocké des réserves, pourvu ses défenses et formé de nouveaux soldats pour garnir ses murailles mais le jour dit, il fût surpris de l'armée qui se présenta au devant de lui.

Raganol en tête arrivait à découvert, c'est ce que Filou avait anticipé. Par contre, ses trois alliés lieutenants sortant de la forêt presque au même moment, c'était une surprise de taille. C'est alors que le Roi eût une idée, comme une souffle sur ses pensées. Il décida et organisa une défense inédite, il laisserait libre les deux flancs du château et concentrerait l'intégralité de sa défense au centre. Raganol, qui ne vit pas l'impact du changement fonça droit sur les murailles, flanc gauche. Il fût très surpris de ne rencontrer aucune résistance et vit clairement qu'il en était de même pour le flanc droit. Il remarqua également qu'au centre, par contre, se déroulait une véritable hécatombe. Les deux vagues d'assaut ne franchirent pas le mur, la première fût prestement réduite à néant, la deuxième, menée par l'un des lieutenants fieffé, ne tint pas le choc et tourna les talons, mettant Raganol dans une colère folle.

Lui qui avait, durant des mois préparé dans le plus grand secret cette unique attaque, voyait ses effort réduit à néant par la couardise de l'un de ceux qui s'étaient prétendus brave parmi les braves. Il prit cela comme une véritable trahison et ne pût s'empêcher de se remémorer la triste tentative d'union des fieffés qui s'était terminée dans un bain de sang. Barbares ils resteront se dit-il dans sa barbe alors que ces troupes et celles du flanc droit s'avançaient dans la cour à la rencontre de l'ennemi. Ce revers sur la muraille lui coûtait la bagatelle de deux cent quarante soldats. Ils n'étaient plus que cent soixante dans l'enceinte de Grand Castel. La bataille aurait pu être relativement équilibrée mais Raganol, jouant de malchance, vit rapidement que la défection de son lieutenant sur les murs avait laissé beaucoup d'hommes valides chez Filou. Pire, un second lieutenant, passé par le flanc droit et impressionné par les soldats de Filou, décida également de tourner les talons. La victoire s'éloignait pour Raganol et avant que la victoire ne se transforme en défaite définitive, il tourna également les talons avec la poignée d'homme qui lui restait.

Au petit jour, s'en était fait de l'armée du Roi des fieffés. Ce dernier, furieux après ses alliés se replia chez lui, pansa ses plaies, ruminant sans cesse l'inconsistance de ses pairs. Les deux défections qui avait eu lieu le faisait réfléchir. Ses ambitions ne s’arrêtaient pas à la vie frustre et barbare du fieffé. Il aurait voulu, en battant le roi bâtisseur, rétablir un équilibre des populations, redistribuer les cartes et peut-être faire profiter l'ensemble des fieffés de ce nouvel équilibre. En effet, depuis l'essor de Filou, la vie était de plus en plus rude pour un barbare. Les villageois sous protection de Filou devenaient inattaquables, les pillages devenaient de plus en plus dangereux ou se transformaient en épopée lointaines dont beaucoup trop ne revenaient jamais. Ils étaient de plus en plus pauvres. Dans la région, seul Raganol avait été à même de construire une forteresse susceptible de tenir en échec Filou. Et cette capacité lui avait apporté un confort que les autres fieffés enviaient.

Il en était tristement déçu et quand il se remémorait la bataille, outre qu'il compris que la stratégie de Filou avait été très judicieuse, il ne voyait que les deux faux alliés, les traîtres, tourner les talons et s'enfuir.

De son coté Filou ne tira aucune gloire de ce succès défensif. Il avait clairement compris que sans la défection d'une partie de l'armée adverse, le combat eût été beaucoup plus rude et certainement très coûteux en vies comme en richesses. La situation n'était pour lui plus acceptable en l'état. Il fallait trouver un moyen efficace de renforcer les défenses, de multiplier le nombre de soldats de voir plus rapidement approcher les menaces. Il commença à penser qu'un deuxième château, administré par un seigneur bâtisseur comme lui serait une aide précieuse. Mais il était beaucoup trop tôt, parole d'ombre, pour envisager une telle alliance. Du reste, Filou ne trouva pas le candidat idéal pour l'affaire, il aurait fallu recommencer de rien ce qu'il avait fait, en le protégeant et sans garantie que ce qu'il assumait comme étant sa politique serait suivi... Du reste, Raganol ne s'était-il pas lui même fait prendre au piège d'une alliance trop précaire. Non, d'un souffle inspiré, il trouva mieux à faire.

En effet, aux alentours du château se trouvaient différentes places fortes anciennes, désaffectée des fieffés. En regardant du haut de sa muraille, Filou conçu d'en prendre trois et d'en faire des avant-postes. Discrètement au début il fît acheminer des troupes qui nettoyèrent les lieux, fît défricher les alentours et plutôt que de n'en faire que des casernes militaires, il y développa l'exploitation des ressources disponibles en commençant par la nourriture. De cette sorte, ces petits castels étaient autonomes mais sous ça seule et unique responsabilité. Il prit soin, alors que Raganol pansait ses plaies, de bâtir rapidement ses trois places fortes en faisant tourner régulièrement les soldats de la garde, en y postant des armées d'attaques pour piller les fieffés. Désormais, le grand Castel augmentait son rayonnement par l'entremise des ces avant-postes. La richesse revenait, la paix également car plus aucun fieffé ne se prit à l'idée de venir lui chercher des comptes.

Raganol, dans le même temps, reforma ses armées, consolidant sa place forte, sécurisant ce qu'il avait su construire. Mais tout ça n'était guère satisfaisant. Il avait vu le développement du Grand Castel, il était tout à fait clair que désormais, pour l'attaquer, il faudrait que les fieffés se liguent et soient d'un seul homme à l'assaut. Il ne se résolvait à l'envisager tant il s'était senti trahi lors de sa première tentative. Lui, le soldat, le stratège en était réduit à tourner en rond dans sa forteresse. Attaquer les fieffés ne lui procurerait aucune satisfaction, d'autant qu'il était très respecté de ces derniers et craint également. Ils le prenaient pour leur Roi, le Roi des fieffés mais ne régnait pas sur eux. Il craignait trop leur couardise, leur manque d'allant et de projets.

Oui Raganol n'allait pas bien, il se morfondait horriblement, à l'écart de ses rêves de gloire et de grandeur militaire. Comme il n'avait aucun goût pour l'agriculture et l'activité économique, il ne se sentait pas à même de devenir bâtisseur comme l'avait fait Filou, son grand rival. En plus, le devenir était risqué à cet endroit, il attirerait l'attention de Filou qui ne prendrait certainement pas à la légère une nouvelle menace sur ce qui devenait désormais son territoire. Il envoya ses espions faire le tour du domaine de Filou. Trois sur quatre revinrent. Mauvaise nouvelle, l'un d'eux avait été pris par la garde du Castel, ça pouvait signifier des représailles. Mais ce que lui rapportèrent les trois autres n'étaient pas que des mauvaises nouvelles.

En effet, fort du développement de son grand Castel, il semblait que Filou était un peu surmené, débordé de toutes parts par la gestion, les affaires militaires, les ressources. Ça ne signifiait en rien une opportunité pour Raganol de tenter à nouveau d'attaquer son rival. Non, cette fois Raganol conçu quelque chose d'inédit. Il envoya un émissaire pour demander à rencontrer secrètement Filou. C'était un double risque d'autant que l'un de ses espions était probablement à la question voire pire dans les mains de Filou.

Lorsque les têtes de son espion et de son émissaire reparurent sous le porche de sa forteresse, Raganol eût une heureuse surprise. Celle de son émissaire était encore sur ses épaules. Et même s'il se trouvait que pour son espion au contraire, il en manquait un morceau, c'était une excellente nouvelle. Il l'accueillit dans ses appartements, à l'abri des regards furtifs et des oreilles indiscrètes. L'émissaire revenait avec un accord de principe de Filou pour la rencontre, il fallait se mettre d'accord sur le lieux, neutre, discret, Filou ayant également le désir que cette rencontre, dont seul Raganol avait imaginé le contenu, ne soit connu de personne. L'émissaire refît un aller-retour pour sceller l'organisation.

(à suivre)

[4341555] Elorian (FR1) [FR1] :: March 12, 2016, 6:38 p.m.

Quelques jours plus tard, dans le bois des brumes, deux étranges cortèges convergèrent vers la clairière la plus profonde. Filou et son homme de confiance d'un coté, Raganol et son émissaire de l'autre, il était entendu que ces seules personnes étaient au courant de la démarche.

Les deux hommes de main laissèrent les souverains sur ces mots joviaux et s'éloignèrent à l’orée de la clairière. Ils restaient abasourdis par ce qu'ils venaient d'entendre. Depuis tant d'années que Filou se battait contre les fieffés, depuis tant de temps que Raganol nourrissait à son encontre un haine farouche, ils n'avaient à aucun moment imaginé que ces deux là puissent s'entendre en l'espace de cinq minutes. Échangeant sur le surprise mutuelle, ils ramassait du bois qu'ils ramenèrent au centre de la clairière, allumant un feu tranquille tandis que les Rois se parlaient des temps anciens. Ils repartirent chasser quelques lièvres que la forêt hébergeait en abondance. Ayant trouver une mince rivière claire, ils préparèrent les viandes avant de rejoindre leurs chefs respectifs.

La forêt profonde qui les entourait était propice au calme, aucune pression prédatrice ne se faisait sentir. Rien effarouchait ni les oiseaux ni les abeilles qui s'occupaient à se nourrir et à amasser les richesses du lieu. Et l'on s'affaira autour du feu à déguster les lièvres en broche et les racines douces cuites directement dans la braise, les hommes de main furent conviés au repas et à la discussion qui s'en suivi. Ce ne fût que fort tard dans l'après-midi que les convives se séparèrent, d'accord sur les propos, prêts à engager les projets esquissés et à sceller leurs destins.

Quelques semaines plus tard, alors qu'un calme très relatif mais perceptible semblait s'installer dans le territoire, on vit s'ébranler la plus grande armée que Filou n'eût jamais mis en œuvre. L'objectif fût très vite annoncé, on allait raser la forteresse du Roi des fieffés. Alors qu'on se mettait en route, de l'autre coté, chez Raganol, l'agitation était également de mise. Le guerrier partait en mission avec ses plus fidèles troupes. Mais contrairement à ce que les fieffés crurent au début, il n'était nullement question d'aller donner enfin à Filou la leçon tant attendue. Raganol partait piller plus loin, au delà du territoire de Filou.

Effet d'aubaine pour de dernier qui n'en aurait pas tant demandé. Quand il arriva devant la forteresse, il ne pût que constater la perspective d'une victoire éclatante et facile. Du reste, les soldats fieffés se montrèrent peu courageux et parfaitement désorganisés en l'absence de leur chef. En l'espace de deux heures, ils avaient rendu l'âme ou les armes, avaient pris pour les derniers la poudre d'escampette, laissant la place forte au Roi Filou. Ce dernier donna des ordres qu'on n'avait encore jamais entendu :

C'était d'une extrême violence de la part du roi bâtisseur. Tous mirent ça sur le compte de la colère de n'avoir pas trouvé Raganol dans ses murs. Personne ne savait où il était parti et les rares hommes capturés ne surent répondre que trop évasivement, quelque part vers le nord, loin. Filou et ses troupes regagnèrent le château où l'on fit bombance des biens saisis chez Raganol. La victoire avait été si éclatante, si rapide que tous les fieffés alentours en tremblèrent. Se terrant dans leurs tours précaires, ils faisaient circuler les pires rumeurs sur ce qu'il était advenu de Raganol. Certains soutenait qu'il était du combat et avait péri anonymement et avait brûlé dans les décombres de son fief. D'autres soutenaient qu'ayant appris l'offensive de Filou il avait fuit comme le pire des lâches et était parti s'installer ailleurs.

Bref, plus le temps passait plus les rumeurs devinrent légende. Filou devenait Filou le Vénérable, il régnait en maître absolu sur son territoire et personne ne s'aviserait plus avant très longtemps de lui tenir tête. Il fût dit que par les soirs de grand vent, sur les décombres de la forteresse du Roi des fieffés, on pouvait entendre les cris de Raganol le Brave.

Personne ne sût ni ne chercha à comprendre ce qui avait bien pu se dire un jour autour d'un lièvre embroché, dans le grand bois des brumes. Et pourtant, cette discussion reste gravée dans ma mémoire.

(à suivre)

[4344689] Elorian (FR1) [FR1] :: March 14, 2016, 10:56 p.m.

A cet instant, le temps d'un souffle sur la flamme d'une bougie, ils se turent, se regardèrent et firent une longue pause, profitant de la quiétude de la fin de l'après-midi au cœur de la plus isolées des clairières du Bois des brumes, comme pour sceller tacitement un pacte qui ne pouvait être écrit ou dit.

Il se passa deux ans après que la forteresse eût été rasée avant que des éclaireurs viennent annoncer l'arrivée par le Nord d'une étrange troupe aux couleurs du Roi Filou. A cette annonce, le Roi fît ouvrir les portes en grand et cette armée ne tarda pas à arriver dans la cour du château, couverte d'or et de richesses de sacs à butins et de charrettes pleines à craquer.

Et devant toute cette armée, sur un cheval d'une blancheur ahurissante, ce tenait un fier guerrier, souriant. Il descendit de cheval et se présenta devant Filou :

Tous comprirent à ces mots que le Roi des fieffés avait effectivement disparu pour de bon. Et tous comprirent que le château comptait désormais dans ses rangs un fier commandant pour assurer sa sécurité. Filon, avec l'aide de Raganol put ainsi développer son empire sans plus craindre jamais la moindre opposition. L'Histoire ne garde que peu de traces de ces premiers bâtisseurs isolés, mais nous, les Ombres, les avons vu grandir avant que l'Empire ne devienne ce qu'il est aujourd'hui.


(fin du chapitre 2)

[4438596] Elorian (FR1) [FR1] :: May 31, 2016, 11:22 a.m.
Salut à tous,

Encore un peu de patience pour le chapitre 3, c'est en préparation, pour ceux que ça intéresse!!!